Sermon du : 2012/06/22 Lieu : Mosquée Tawhid - Halluin Thème du Sermon : 4éme moyen pour remedier à la pauvreté: BAYT ALMAL |
Au nom d’Allah, le Tout Miséricordieux, le Très Miséricordieux.
1ère Partie
Nous continuerons aujourd'hui à parler des moyens et méthodes que l'islam a mis en place afin de remédier à la pauvreté et à afin d'en venir à bout dans les sociétés musulmanes.
Nous avons d'abord parlé du travail et c'est le premier moyen qui permet de faire face à la pauvreté, que chacun puisse subvenir lui-même à ses besoins et à ceux des siens. Et s'il n'en a pas la capacité, il y a l'entraide et le soutien familial, que les plus riches prennent à leur charge et aident les plus pauvres parmi leurs proches. Et si cela n'est pas possible, le troisième moyen sera la zakat, l'aumône et c'est ce dont nous avons parlé vendredi dernier.
Aujourd'hui nous allons parler d'un autre moyen parmi les moyens que l'Islam a mis en place pour lutter et combattre la pauvreté. Ce moyen c'est la garantie et la prise en charge à partir des caisses islamiques quels que soit leur provenance. A l'époque on appelait cela "bayt almal" c'est-à-dire les caisses de l'état, l'endroit où on rassemblait les richesses de la nation s'appelait ainsi "bayt almal". L'état islamique possède toutes les richesses générales qu'il gère, qu'il obtient grâce à des locations telles ses propriétés, ses différentes ressources, et selon l'opinion le plus probable l'Islam refuse que ce soit des individus qui les possèdent mais plutôt l'état afin que toute la population puisse en profiter. Evidemment, ces richesses doivent être utilisées pour les pauvres si les caisses de la zakat ne suffisent pas à cet effet. Dans le cinquième du butin qui revient à l'état, dans les différentes taxes, il y a une part qui revient de droit aux plus démunis et aux gens dans le besoin. Allah a dit " Et sachez que, de tout butin que vous avez ramassé, le cinquième appartient à Allah, au messager, à ses proches parents, aux orphelins, aux pauvres, et aux voyageurs (en détresse)". Dans un autre verset "Le butin provenant [des biens] des habitants des cités, qu'Allah a accordé sans combat à Son Messager, appartient à Allah, au Messager, aux proches parents, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur en détresse" mais pourquoi donc ? Allah donne la raison juste après en disant "afin que cela ne circule pas parmi les seuls riches d'entre vous".
Ô musulmans! Bayt almal, les caisses de l'état sont le dernier refuge pour n'importe quel pauvre tout simplement parce que ces richesses appartiennent à tous et non pas seulement à une partie de la population. Dans les deux authentiques il est rapporté selon Abou Hourayra que le messager d'Allah (sw) a dit "je suis plus à même que quiconque (de m'occuper) de tout musulman. Celui qui laisse après lui un héritage il revient à ses héritiers. Quant à celui qui laisse après lui une dette ou des enfants c'est à moi et contre moi qu'ils reviennent". Cela veut dire que c'est l'état islamique qui doit s'acquérir de la dette du défunt qui n'a pas pu rembourser et c'est à l'état de subvenir aux besoins des orphelins. Quant à l'imam Ahmed il rapporte dans son recueil selon Malik Ibn Aws que omar Ibn Al-Khattab avait l'habitude de ne jurer que pour trois choses et il disait "je jure par Allah que personne n'est plus à même de posséder ces richesse plutôt qu'un autre et même moi je ne les mérite pas plus qu'un autre, je jure par Allah que chaque musulman a un droit sur ces richesses et je jure par Allah que si je reste encore vivant assez longtemps je donnerai même au berger sur un sommet de Sanaa (au Yemen) alors qu'il est à son endroit avec ses troupes". Il est dit dans ce récit de Omar comme le dit l'imam Shawkani dans son ouvrage Nayl Al-Awtar "une preuve que le gouverneur est au même niveau que tous les individus, il n'a pas un droit de plus que les autres ni une part de plus tout comme il prouve que chaque individu dans la nation islamique quelle que soit la distance et l'endroit où il se trouve a le droit de recevoir sa part en fonction de son besoin quand bien même c'est quelqu'un à qui on ne donne pas d'importance". Bien sur cette prise en charge n'est pas spécifique aux musulmans pauvres uniquement.
Même les "ahle adhimmah" أهل الذمة (les personnes qui vivent dans la nation islamique et ne sont pas musulmanes) y ont droit au même titre que les musulmans. Pendant le deuxième califat sous le règne de Omar Ibn Al-Khattab l'histoire a enregistré un évènement très important qui montre et confirme la prise en charge de l'état islamique des démunis et des pauvres même non musulmans. C'est devenu depuis une sounnah qu'on doit suivre puisque ce que les califes pieux font et font appliquer est considéré comme une partie de la religion à laquelle les musulmans doivent s'attacher. Le prophète (sw) a dit "celui parmi vous qui vivra encore longtemps verra beaucoup de divergences attachez-vous donc à ma sounnah et à la sounnah de mes successeurs pieux et bien guidés après moi, mordez la de vos molaires".
Le calife pieux Omar ibn Abdelaziz envoya à son préfet gouverneur de Bassorah, Ali Ibn Artah, une lettre dans laquelle il lui donna l’obligation qu'il devait mettre en application pendant son mandat. Et cette lettre fut lue devant les gens à Bassorah et parmi ce qui fut lu il y avait "et vois ceux qui sont autour de toi qui font partie de ahla dhimmah qui ont atteint un âge avancé et qui sont devenu faibles et n'ont plus de quoi se suffire. Donne leur de bayt almal ce qu'ils ont besoin car il m'a été rapporté que Omar Ibn Al-Khattab a vu un jour un vieillard de ahla dhimmah qui mendiait aux portes des gens et Omar lui dit: "nous ne sommes pas justes avec toi si nous avons pris de toi la jizyah (l'impôt de ahla dhimmah) alors que tu étais jeune et que nous te délaissons alors que tu es vieux" puis il lui donna une part de bayt almal". D'ici nous comprenons que le rôle de bayt almal, les caisses de l'état islamique est très important et que la responsabilité du gouverneur envers la population est identique à la responsabilité du parent envers ses enfants. De la même façon que le père est responsable de prendre en charge ses enfants, de les éduquer et d'être juste et équitable envers eux, de la même façon doit être le gouverneur avec la nation. Cela à un tel point que Omar, qu'Allah l'agrée, disait "si un chameau meurt au bord de l'Euphrate parce qu'on l’a délaissé je devrais en répondre devant Allah le jour du jugement dernier". De là, nous comprenons que la solidarité et la garantie sociale que connait l'occident aujourd'hui, l'Islam l'avait mis en place bien des siècles avant.
Les historiens racontent aussi à propos de Omar Ibn Abdelaziz que son épouse Fatima a dit "je suis entré auprès de Omar alors qu'il était dans son mossalla (la pièce qu'on utilise pour prier). Il avait posé ses joues sur ses paumes et ses larmes coulaient sur son visage. Je lui ai demandé : qu'as-tu ? Il me répondit : malheur à toi Fatima! On m'a chargé d'autant de responsabilités qu'on m'a chargé concernant cette communauté (il fait référence au fait qu'on a fait de lui le calife) et je me suis mis à penser au pauvre affamé, le malade délaissé, le nu démuni, l'orphelin démoralisé, la veuve seule, l'oppressé vaincu, l'étranger prisonnier, le vieillard bien avancé, les nombreux enfants et le peu d'argent et tous ceux qui leur ressemblent et qui sont éparpillés dans les différentes contrées de la nation, j'ai pensé à eux et j'ai su qu'Allah m'interrogera à leur sujet le jour du jugement dernier et que celui qui me blâmera pour eux c'est Muhammad (sw). J'ai donc pris peur de n'avoir aucun argument lorsque je serai blâmé j'ai alors eu pitié de moi-même et me suis mis à pleurer". Et lorsque les gens lui prêtèrent serment d'allégeance il retourna chez lui soucieux attristé, son enfant lui dit qu'as-tu à être ainsi ? Ce n'est pas un moment où il faut être triste, au contraire. Il lui répondit : malheur à toi! Comment ne pourrais-je pas être soucieux alors que chaque personne de cette communauté d'orient, d'occident, exigera de moi ses droits, qu'il m'ait écrit à cet effet ou non et qu'il me les ait réclamé ou non". Ce gouverneur bien guidé considère qu'il est responsable de chaque individu dans cette communauté d'Est en Ouest et qu'il est de son devoir de lui faire parvenir son droit quand bien même il ne la réclamé ni oralement ni à l'écrit et en particulier les pauvres, les faibles, les malades, les veuves, les orphelins et toutes les parties délaissées dans la société. Compare donc cette politique de Omar et la politique des califes bien guidés qui ont régné pendant une période de l'histoire glorieuse de la civilisation islamique, compare cela à la situation de la nation islamique aujourd'hui. Aujourd'hui où ce sont des dizaines d'individus qui gouvernent, la plupart d'entre eux bâtissent leur gloire sur les ruines des gens, ils bâtissent leurs richesses sur l'appauvrissement des gens, ils bâtissent leur fierté sur l'humiliation des gens, ils bâtissent leur force sur la faiblesse des gens. Sinon comment pourrait-on expliquer que ceux qui gouvernent les musulmans aujourd'hui sont parmi les plus riches de la planète, ils possèdent des milliards de dollars pendant que leur population vit sous le seuil de pauvreté, dans la privation, dans la misère, dans le délaissement. Sont-ce là les critères du gouverneur musulman?
2ème Partie
Ô musulmans! La première obligation de l'état islamique est de concrétiser la justice, d'appeler au bien, d'appeler au recommandable, d'interdire le blâmable... Et il ne fait évidemment partie ni de la justice, ni du bien, ni du recommandable que les plus faibles soient affamés et les pauvres soient privés des nécessités de base pour vivre comme l'alimentation, les vêtements et le logis alors qu'il y a dans la société des riches capables de les aider.
En Islam l'état se doit de prendre les modalités et les moyens nécessaires pour remédier au problème de la pauvreté et garantir aux pauvres une vie digne et afin de concrétiser la solidarité dans la société. Ces méthodes et modalités se distinguent en fonction des époques et des situations.
Je me contenterais ici d'un exemple de méthode que Omar Al-Farouq a mis en place à cet effet. Omar a protégé une région à proximité de Médine qu'on appelait Ar-Rabadhah qui était utilisée pour le pâturage des troupeaux. Il avait mis des gardes qui étaient chargés de protéger cet endroit et il en avait fait un domaine auquel tout le monde avait accès et pouvait en profiter mais il ne s'est pas contenté de cela. Il a fait en sorte que ce domaine soit d'abord profitable aux pauvres afin que ce domaine contribue à la prolifération de leurs maigres troupeaux pour qu'ils puissent se suffire et n'aient plus besoin de dépendre de l'état ou de quiconque. Cet objectif apparait d'autant plus clair dans les recommandations que Oamr donna à Hani lorsqu'il le nomma pour gérer ce domaine. Il lui dit "Ô Hani! Couvre les gens de tes ailes! (c'est-à-dire ne sois pas quelqu'un de colérique, reste modeste) Et prend garde à l'invocation de la victime d'injustice car elle est exaucée! Ne sois injuste envers personne et fais entrer dans ce domaine le berger qui n'a que peu de chameaux ou moutons! Et laisse de côté les bêtes de Ibn Affan et les bêtes de Ibn Awf (il lui dit cela parce que Othman Ibn Affan et Abderrahman Ibn Awf avaient de grands troupeaux et ils étaient connus pour être riches). Laisse les de côté car de toute façon même si leurs troupeaux périssent ils retourneraient à bien des palmiers et des récolte, alors que le pauvre si ses troupeaux périssent il viendrait à moi avec sa progéniture en hurlant: Ô prince des croyants! Penses-tu que je les délaisserai ? Point de père à toi! La pâture m'est bien plus simple que l'or et l'argent".
C'est là la recommandation de Omar qui confirme des décrets importants.
- Premièrement : le devoir d'attention que l'état doit avoir à l'égard des faibles revenus et des pauvres, et de leur permettre de travailler et de subvenir eux-mêmes à leur besoin, quand bien même pour se faire il fallait être dur envers les plus riches et leur faire rater des occasions de s'enrichir encore plus, et en les privant de ce qu'on peut donner aux plus faibles et pauvres. Cela apparait évident dans la parole de Omar "fais entrer dans ce domaine le berger qui n'a que peu de chameaux ou moutons! Et laisse de côté les bêtes de Ibn Affan et les bêtes Ibn Awf".
- Deuxièmement : ce récit prouve que tout individu, vivant dans la nation de l'Islam, qui perdrait son travail ou l'origine de ses subsistances, a le droit de venir hurler et réclamer son droit et celui de ses enfants à la porte du gouverneur. Il est donc du droit de chaque citoyen, vivant dans n'importe quel pays, quand il est dans le besoin, d'hurler à la face du gouverneur et d'exiger son dû dans les ressources du pays, son dû dans le pétrole, dans le gaz, le phosphate et dans n'importe quelle ressource du pays dans lequel il vit. Cela parce que c'est un bien qui appartient à tous les citoyens ; et le gouverneur ne peut que répondre à sa demande et lui donner son dû. C'est pour cela que Omar a dit à Hani "le pauvre si ses troupeaux périssent il viendrait à moi avec sa progéniture en hurlant: Ô prince des croyants! Penses-tu que je les délaisserai ? Point de père à toi!".
- Troisièmement : donner du travail et des emplois aux pauvres et faire en sorte de faire augmenter les capacités de ressources des tout petits propriétaires afin qu'ils n'aient plus à demander de l'aide à l'état. Et cela aussi apparait de manière évidente lorsque Omar a dit "La pâture m'est bien plus simple que l'or et l'argent". Dans le même sens un célèbre proverbe chinois dit "si une personne a faim, ne lui donne du poisson mais apprend lui à pêcher".
C'est à ces objectifs que Omar aspirait enseigner aux gens comment subvenir à leurs besoins et il les aidait avec ces méthodes que nous avons cité. Ce sont quelques bénéfices que l'organisation de l'Islam a laissé lorsqu'elle a eu l'occasion à certaines époques de gérer la nation même si malheureusement aujourd'hui les musulmans ont perdu beaucoup des bénédictions de cette organisation tout simplement parce qu'ils sont gérés par des injustes, et que leurs richesses ont été prises par les vils, et que leur religion a été annulé par l'ignorance et l'innovation.