Sermon du : 2013/09/13
Lieu : Mosquée Tawhid - Halluin
Thème du Sermon : La divergence : ses causes et ses bienséances
1ère Partie
Chers musulmans, il est naturel pour les mouvements islamiques contemporains d'avoir des ennemis de l'extérieur qui rusent contre eux. Et ceci est dû à la bataille engagée entre le vrai et le faux qu'Allah a établi dans ce monde dans lequel nous vivons. Allah a dit : « Et c'est ainsi que nous avons assigné à chaque prophète un ennemi parmi les criminels ». Ce qui est anormal, inquiétant, troublant et qui fait perdre le sommeil des croyants véridiques, c'est que les mouvements islamiques soient ennemis les uns des autres et que leurs ennemis soit parmi eux, à l'intérieur.
Il est également naturel pour les musulmans qu'il y ait des écoles, des groupes, etc… travaillant pour l'islam et son affermissement sur terre, et chacun à sa manière. Et cela, si cette diversité est une diversité de variété et de spécialisation, non pas une diversité d'opposition et de désaccord ; à condition qu'il y ait entre eux tous, une part d'entraide et de coordination afin qu'ils se complètent mutuellement et s'alignent tous ensemble sur le même rang dans les affaires touchant à leur avenir.
Ce qui attriste le cœur, c'est de voir des gens travaillant pour l'islam qui ne prêtent aucune attention à cela, et sèment la discorde quelque soit l'endroit dans lequel ils se trouvent, et allument les flammes de la divergence et attisent la haine et la rancœur et se concentrent toujours sur les points de divergence, non pas sur les points d'accord.
Et la réalité est que la divergence en soi n'est pas dangereuse, surtout dans les branches de la religion et dans les affaires nécessitant un effort de réflexion ( الأمور الإجتهادية ), susceptibles d'être bonnes ou erronées. Par contre, le danger se trouve dans la division contre laquelle Allah et son prophète ont mis en garde. C'est pour cela que l'éveil islamique ( الصحوة الإسلامية ) et les divers mouvements islamiques qui le composent sont dans le besoin de comprendre profondément les bienséances et les politesses de la divergence, c-à-d : le respect du dissident (celui qui est en désaccord et qui a une opinion contraire) et l'entraide avec lui dans le bien.
Nous allons donc parler des bienséances et politesses de la divergence ainsi que de ses causes. Mais avant cela, nous devons savoir que l'unité est obligatoire et que la division est un mal et source de troubles. Et quelle est grande la sagesse de cette imam qui a vu les prieurs de sa mosquée divergeant après la prière de l'ichaa pendant le Ramadan : Vont-ils prier 8 ou 20 unités pour les tarawih (sans le witr) ? [car il y a une divergence sur cette question et certains considèrent que prier plus de 11 unités est une innovation]. Les voyant diverger, l'imam leur dit alors : Je vais fermer la mosquée et que chacun de vous prie les tarawih chez lui, car l'union est une obligation alors que les tarawih sont une sounna.
Il n'y a pas une religion qui a appelé à la fraternité qui se concrétise dans l'union, la solidarité, l'entraide, etc… et qui a mis en garde contre la division comme la religion de l'islam dans son coran et sa sunna. Et il fait partie des obligations pour les guides et prêcheurs de l'islam d'avoir comme but et objectif : l'union et l'amitié, le rassemblement des cœurs, la consolidation des rangs, l'éloignement de la division et de la divergence et de tout ce qui détruit le groupe ou disperse la parole parmi ce qui affaibli la religion de la communauté. Allah a dit : « Et cramponnez-vous tous ensemble au câble d'Allah et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d'Allah sur vous lorsque vous étiez ennemis, c'est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par Son bienfait, vous êtes devenus frères » et Il dit : « Et ne vous disputez pas, sinon vous fléchirez et perdrez votre force. Et soyez endurants car Allah est avec les endurants ». Et le prophète (عليه الصلاة و السلام)a dit : « La main d'Allah est avec le groupe » et il a dit (عليه الصلاة و السلام) : « Celui qui s'éloigne du groupe d'un empan puis meurt, il mourra d'une mort similaire à celle de la période pré-islamique ». Et malgré qu'Allah a ordonné l'union, Il a appuyé l'interdiction de la division en disant : « Ceux qui émiettent leur religion et se divisent en sectes, tu n'es en rien des leurs ». Et qu'elle est forte la compréhension de l'érudit de l'islam ibn taymiyya lorsqu'il a vu que délaisser certains actes recommandés, pour unir les cœurs et les rangs, était une chose demandée. Il a dit, qu'Allah lui fasse miséricorde : « car l'intérêt de l'union dans la religion est plus important que l'intérêt d'accomplir cela, tout comme le prophète a délaissé la transformation de la Ka'ba pour unir les cœurs ». ibn mas'oud a désapprouvé le fait que uthman ibn affan a complété sa prière en voyage (en 4 unités) puis il a prié derrière lui en complétant 4 unités. On le questionna sur cela, et il dit : « diverger est mauvais ». Et ibn taymiyya a dit : « ordonner le mal et interdire le blâmable peut être délaissé s'il amène à un acte abominable plus grave ou fait perdre un intérêt plus important ». D'ailleurs, on rapporte qu'il était un jour avec ses amis et ils sont passés près d'un groupe de tatars qui buvaient de l'alcool. Certains de ses amis voulurent leur en interdire. Il leur a dit : « Laisse-les et ce qu'ils font car ces gens-là, s'ils retrouvent leurs esprits et leurs lucidités, ils font utiliser leurs épées contre les musulmans » car cette situation dans laquelle ils étaient (sous l'emprise de l'alcool) est meilleure que de faire couler le sang des musulmans.
Il est donc essentiel de faire la différence entre la divergence autorisée et celle qui est interdite :
1. il n'est pas permis de diverger sur les bases de la religion, qu'elles touchent à la croyance ou à la jurisprudence telles que : l'unicité d'Allah, les piliers de la foi, les piliers de l'islam, le fait que la sounna soit une preuve dans la religion, le caractère obligatoire des ablutions, etc…
2. il n'est pas permis de diverger sur des affaires dans lesquelles il y a eu consensus entre les savants. ibn taymiyya a dit : « Celui qui contredit le livre clair et la Sunna célèbre ou ce qui a fait consensus entre les prédécesseurs de la communauté, d'une contradiction non excusable, doit être traité comme sont traités les gens de l'innovation ».
Les bienséances et politesses de la divergence (أدب الإختلاف ) :
ibn hajar dit : le mot أدب signifie utiliser ce qui est louable dans les paroles et les actes. D'autres ont dit : prendre les bons comportements. Il a été dit aussi qu'il signifie respecter celui qui est au-dessus de toi et être doux avec celui qui est en dessous de toi.
Quant à l'expression complète أدب الإختلاف , elle signifie plusieurs choses :
1. Ne pas accuser le dissident de mécréant.
Ibn taymiyya dit : « les khawarij, que le prophète a ordonné de combattre, ont été combattus par le calife ali ibn abi talib pour repousser leurs injustices et leurs transgressions, et non parce qu'ils sont mécréants ». Puis ibn taymiyya dit : « si la situation est ainsi avec ceux dont l'égarement est affirmé par le texte religieux et le consensus, que dire alors des divers groupes pour lesquels s'est embrouillé le vrai du faux dans des questions sur lesquelles se sont trompés ceux qui sont plus savants qu'eux. Il n'est donc pas permis à un individu de ces groupes d'excommunier (accuser de mécréance) un autre groupe, et de permettre de faire couler son sang et de s'emparer de ses biens, même s'ils commettent une innovation prouvée. Que dire alors si le groupe qui accuse de mécréance est aussi innovateur, et il se peut que l'innovation de ces derniers soit plus grave. Et dans la majorité des cas, ils sont très ignorants de la réalité des choses sur lesquelles ils divergent » (fin).
2. Interdiction de faire couler le sang des musulmans.
Le prophète (عليه الصلاة و السلام)adit : « Votre sang, vos biens et votre honneur sont sacrés comme la sacralité de ce jour-ci, en ce mois-ci et dans cette cité (La Mecque) » et il dit (عليه الصلاة و السلام) : « celui qui prie comme nous, se dirige vers notre Qiblah, et mange de nos sacrifices, est le musulman qui est sous la protection d’Allah et de Son Messager, ne trahissez donc pas Allah dans Sa protection ».
3. respecter l'opinion du dissident (celui qui est en désaccord), estimer la vision des autres et donner à leurs opinions une considération et une estime.
Et cela est basé sur une règle fondamentale de la religion qui est : tout ce qui n'est pas formel et catégorique parmi les jugements et les verdicts, est une chose susceptible de subir un effort de réflexion ( إجتهاد). Et si elle est sujette à un effort de réflexion, elle est sujette à la divergence, chose qui est naturelle. Et si c'était une chose qui était formelle, sans équivoque, alors les prédécesseurs n'auraient pas divergé dessus. Il faut donc excuser aux savants et avoir une bonne opinion d'eux, et il ne faut pas penser qu'ils ont délaissé volontairement la vérité. Le prophète (عليه الصلاة و السلام)a dit : « si le juge fait un effort de réflexion et a juste, il aura deux récompenses. Et s'il fait un effort de réflexion et se trompe, il aura une récompense ». Ibn taymiyya a dit : « et beaucoup d'assidus parmi les prédécesseurs et les successeurs (khalaf) ont dit ou fait ce qui était une innovation, sans savoir que c'était une innovation, soit dû à certains hadiths faibles qu'ils croyaient authentiques, ou soit dû à certains versets dont ils ont compris ce qui n'était pas voulu, ou bien dû à une opinion qu'ils avaient alors que sur cette question il y avait un texte (religieux) qui ne leur est pas parvenu » (fin)
4. Etre tolérant et adopter une attitude de respect à l'égard d'autrui
Et ne pas tomber dans le fanatisme et le sectarisme pour tel ou tel avis dans les questions sujettes à la divergence, ou prendre parti pour tel ou tel imam ou savant. Qu'allah fasse miséricorde à l'imam malik, lorsque le calife abbasside al mansour voulut imposé aux gens ce qu'avait écrit malik comme avis juridiques. Malik dit : « ô chef des croyants, ne fais pas cela, car on a exposé aux gens des paroles, et ils ont entendu des hadiths, et ils ont narrés des récits, et chaque peuple a suivi ce qu'on lui a apporté, laisse donc les gens avec ce que chaque contrée a choisi pour eux-même ». Ibn taymiyya a dit, en réfutant ceux qui veulent imposer leurs écoles de pensée dans les questions sujettes à divergence : « certains savants disaient : leur rassemblement (consensus) est une preuve catégorique et leur divergence est une large miséricorde ». Et omar ibn abdelazîz disait : « je détesterais que les compagnons du prophète n'ait pas divergé car s'ils n'avaient pas divergés et qu'un individu aurait été en désaccord, il serait égaré. Et s'ils divergent, et qu'un individu prend l'avis d'untel et un autre l'avis d'untel, il y aura alors dans cette affaire une étendue ».
2ème partie :
chers musulmans, les causes de la divergences sont multiples :
1. la divergence des savants dans la compréhension des textes religieux,
comme dans le verset où Allah dit : « ou si vous avez touché aux femmes et que vous n'avez pas trouvé d'eau alors recourez à la terre pure... ». La majorité des savants ont interprété le toucher dans le verset comme étant les rapports sexuels et que le toucher simple de la femme n'annule pas les ablutions. Alors que l'imam chafi'i a pris le sens apparent du verset et a dit: le simple fait de toucher la femme annule les ablutions.
2. l'ignorance de la preuve dû au fait qu'elle ne lui est pas parvenu. L'exemple de cela est l'histoire qui a eu lieu avec omar ibn al khattab et ses compagnons lorsqu'il voulut entrer dans une terre où la peste s'était répandu et ils ont divergé jusqu'à la venue de abderrahaman ibn 'awf, qui les a informés que le prophète (عليه الصلاة و السلام)a dit : « si vous entendez parler d'une terre touchée par la peste, n'y entrez pas. Et si vous y êtes, n'en sortez pas ». Et il a clôturé la divergence avec cette preuve.
3. ne pas être certain de l'authenticité de la preuve. Un savant peut rendre un
hadith faible alors qu'un autre le rend authentique de par la divergence qu'il y a entre les savants sur la fiabilité d'un transmetteur, ou à cause d'une anomalie qu'il voit dans la chaîne de transmission ou dans le texte qui le rend étrange (شاذ) ou pour d'autres causes qui sont citées dans les livres de sciences du hadith. D'ailleurs, le cheikh al albani, qui est le savant du hadith de cette époque, a authentifié lui-même des hadiths sur lesquels il est revenu plus tard et les a affaibli et vice versa. Et cela ne diminue en rien de sa valeur, bien au contraire! Si cette divergence a lieu entre un individu et lui-même, alors que dire de la situation entre un savant et un autre.
A ce propos, les hadiths se divisent en 3 catégories :
· 1er catégorie : des hadiths sur lesquels il y a unanimité sur leur authenticité. Il n'est donc pas permis de les rejeter et il est obligatoire de les accepter et de les appliquer.
· 2ème catégorie : des hadiths sur lesquels il y a unanimité sur leur faiblesse. Il n'est pas possible de les accepter ni de les utiliser comme preuve
· 3ème catégorie : des hadiths sur lesquels il y a divergence concernant l'authenticité. Certains les rendent authentiques alors que d'autres les rendent faibles. Et c'est dans cette catégorie qu'il y a un champ d'effort de réflexion pour les savants de cette matière.
4. la divergence dans le sens des mots, dans le fait que le mot peut avoir plusieurs
sens. L'exemple de cela est la parole du prophète : « il n'y a pas de divorce ni d'affranchissement dans الإغلاق» et les savants ont divergé sur le mot الإغلاق. Certains l'ont interprété par la contrainte, et d'autre par la colère emportée, et d'autres par la perte de la raison. De là, les savants ont divergé sur certaines règles du divorce.
Qu'il est grand le besoin pour les musulmans d'apprendre les bienséances de la divergence, et qu'il est grand le besoin pour eux de s'aligner sur un même rang pour les affaires touchant à l'avenir de la communauté, et que leur appartenance à l'islam soit la plus grande et la plus importante que toute autre appartenance. Allah a dit : « c'est lui qui vous a nommé musulmans ». Voilà donc l'appellation qu'Allah nous a donné et nous n'accepterons aucune autre appellation. Faisons donc de notre diversité une diversité de complémentarité, et il n'est pas permis de considérer que la divergence dans les branches de la religion soit un obstacle face à la volonté du rassemblement et de l'entraide dans l'affrontement contre l'ennemi commun et dans la réalisation des grands objectifs sur lesquels l'ensemble est en accord.